Zusammenfassung
Résumé
Contre l'unanimisme auto-proclamé de "l'autre", contre sa réhabilitation, contre le holisme des savoirs paysans et contre les théories de la modernisation perçue comme un processus linéaire, ce travail démontre comment les savoirs paysans dans leur production et diffusion sont des savoirs localisés, contextualisés, négociés et détenus à la suite d'expérimentations consciemment conduites par les paysans. Les données empiriques qui ont servi de base à son élaboration ont porté sur les savoirs en matière de sols, de plantes et de variétés culturales.
En privilégiant l'approche d'acteur au quotidien aux démarches culturalistes, il démontre que la langue paysanne constitue une source d'information sur ces savoirs malgré les pièges liés au contexte, aux anecdotes, et à la polyfonctionalité qu'elle présente. Ceci montre les limites d'un étymologisme largement partagé. D'un autre côté, la présentation de differentes facettes de ces savoirs, montre que dans leur complexité, leur apparition semble plus liée à des faits et contextes précis plutôt qu'à des spécificités qui président aux opérations mentales des paysans. Ainsi on comprend pourquoi l'émergence et la diffusion des savoirs répond à un flux d'expérimentations, d'appropriation d'expériences, de conservation et de rejets de possibilités. Si l'expérience relève du hasard, du non-planifié, l'expérimentation elle, paraît un processus conscient avec des objectifs définis à l'avance.
De cette position, le holisme des savoirs locaux ou localisés souvent présenté en opposition à la science cartésienne essentiellement positiviste et réductrice, perd en légitimité. Les liens entre le savoir, la culture et la spiritualité ne sont pas nécessaires. Il ne sert pas de soutenir un holisme imaginaire faisant des paysans des êtres curieux si spirituels et pensant globalement qu'il leur est possible de vivre de leur spiritualité au détriment de leur pain. En opérant une distinction de principe entre les discours sur le savoir et le savoir même comme le font les paysans on se rend compte que le savoir local n'est ni total, ni indifférencié. Il n'est ni continu, ni harmonieux. Quant à sa diffusion, on pourrait la concevoir et la percevoir en termes de logiques à paramètres multiples, imbriquées ou articulées avec celles des acteurs sociaux. A ce sujet, l'économique offre un repère conceptuel qui favorise la compréhension des mécanismes de cette diffusion. Il permet d'intégrer au niveau conceptuel la plupart des aspects de la vie sociale : Culture, croyance, relation de pouvoir, économie, réseaux sociauxý La diffusion des savoirs chevauche donc entre des logiques de contrôle de ressources économiques, de reproduction sociale et de mobilisation de réseaux. Le pas franchi entre la diffusion et la distribution sociale des savoirs permet de démontrer que cette dernière est inégale, et est liée à l'intensité des expériences et aux conditions anthropo-économiques. Le plus vieux n'est pas nécessairement celui qui connaît le plus.
L'analyse épistémologique sur ces savoirs avec en toile de fond l'histoire des sciences en occident a permis de défendre trois thèses fondamentales. 1) Les savoirs locaux ne sont pas systématisés à cause de l'absence des conditions telles que l'auto-constitution en un sous-système se différenciant à la fois du système et des autres sous-systèmes. 2) la non systématisation elle-même, est la conséquence de l'absence d'un espace public spécifique des savoirs et la non constitution d'un courant d'échange entre un sous-système des savoirs et l'environnement. 3) La défense des deux premières thèses peut se faire en dehors des discours sur la société primitive, l'unanimisme et la réhabilitation-sauvetage de ces savoirs. |